Pour le premier film réalisé au sein du Studio, le graphisme et la direction artistique sont déjà époustouflants. La scène dans la grotte souterraine, où Pom montre aux enfants comment les traces de pierres de lévitation contenues dans les roches brillent dans l'obscurité, est d'une beauté à couper le souffle. Le lac tranquille dans la caverne est rendu avec une attention et un souci du détail qui laisse admiratif. Il en est de même pour le ciel et les nuages dans les scènes de vol. En particulier, l'île volante nous est révélée à travers le vortex d'une tempête si puissamment rendue qu'on pourrait presque croire aux vieilles légendes des dragons provoquant les tempêtes (Miyazaki n'aurait même pas eu besoin de suggérer leur forme).

   
Vortex dans lequel est caché Laputa        Imageboard du générique d'ouverture      

Miyazaki a fait preuve dans Nausicaä d'un talent remarquable pour construire un monde imaginaire cohérent et détaillé. Il utilise de nouveau ce talent dans Laputa en s'inspirant du rêve que l'homme a toujours eu de voler. Le générique d'ouverture représente ainsi une magnifique panoplie de machines volantes complètement dingues, et le reste du film ne sera pas en reste en matière d'engins extravagants (mais pourtant réalisables si on se réfère aux technologies sur lesquelles ils sont basés). Le royaume de Laputa lui-même ressemble à une combinaison idéale de science et de nature comme elle aurait été imaginé par Verne ou Welles -un immense arbre maintenant la structure supérieure, une série de jardins tranquilles cachant en son centre un noyau de pouvoir cristallin...

On ne peut être que fasciné par l'incroyable architecture de Laputa, amalgame de tout ce qui a pu être gracieux et majestueux dans les architectures anciennes. Ses cercles concentriques de terrasses et de bassins se déployant comme une extension du grand arbre, parfois reflètent le ciel, parfois le révèle à travers les trous dans les gros blocs de pierre. Le design de cette cité brouille les frontières entre le ciel et l'eau, jouant avec les formes et les substances comme une gravure de M.C. Esher, ce maître de l'imagerie multidimensionnelle bizarre. Ce même niveau de précision dans le design est appliqué aussi bien aux conduites, valves et machines dans la mine qu'aux petits animaux créant un éclat de mouvement dans la tranquillité surréaliste du domaine de Laputa.

     
Laputa dans toute sa splendeur               Village-dortoir industriel              

La grande majorité des design dans Laputa est basée sur le 19ème siècle. Les engins volants évoqués précédemment ont été inspirés par des documents du siècle dernier concernant les machines volantes réelles et imaginaires de l'époque. Les costumes sont basés sur les modes vestimentaires d'alors. De même, le village minier est typique des ces petits dortoirs industriels parsemés en Europe du nord. Le gros cuirassé dans lequel sont emmenés Pazu et Sheeta et les trains gouvernementaux expriment la laideur du tout métal qui caractérisaient les engins puissants que l'on pouvait trouver à cette époque.

Bien que la technologie utilisée soit antique, l'échelle utilisée est souvent impressionnante. La voie ferrée, les grands viaducs et les excavations de la cité minière, de même que la forteresse dans laquelle les enfants sont retenus, ont des dimensions et des profondeurs qui donnent le vertige. Ce sens du grandiose contribue énormément au caractère épique de l'aventure.

La cité minière

Enfin, on remarquera déjà la tendance de Miyazaki à recycler. Pour le robot, il réutilise ce qu'il avait créé pour son travail sur la série TV Lupin III. Il y a aussi un parallèle assez troublant entre les mouvements des robots de Laputa et ceux du 'Grand Automate' dans Le Roi et l'Oiseau (sorti en 1979), film français de Paul Grimault que Miyazaki a découvert peu de temps avant de produire Laputa. Le look de Sheeta est en outre caractéristique des héroïnes miyazakiennes. Le style facial simple et pourtant expressif développé par Miyazaki et Takahata permet de traduire une large palette d'émotions. Mais ce visage, surtout, devenait déjà une représentation pour un certain type d'héroïnes - jeunes, prévenante, attirante mais qui révélerait aussi courage, loyauté et grandeur d'âme.